"Mon Père" ~ par dark cyradis
Traduction par Vassago

Prologue

"Demain, c'est la fête des pères sur Assiah", dit Kira, étendant puis rétractant ses magnifiques ailes d'ébènes dans un mouvement fluide et en s'asseyant derrière moi .
"Ouais. Et alors?" demandais-je en lui offrant une cigarette. Il en prit une, qui s'alluma toute seule, comme par magie, et la prit entre ses lèvres. Je le regardais tirer une petite bouffée. C'est toujours un peu bizarre de le voir avec tous ces trucs d'anges, et tout ça... Mais après tout, Kira est Kira.
"Et bien..." il fit une pause et ses yeux se posèrent sur moi, me scrutant. J'essayais de ne pas paraître dérangé. "Qu'achèterais-tu à un père pour lui montrer qu'il compte pour toi?"
Je ravalais une goulée d'air qui avait voulu s'échapper trop vite de mes poumons et me composais un grand sourire. Assez étonnamment, il sembla embarrassé. C'était un peu amusant de le voir gêné, parce que généralement, c'est lui qui me donne des conseils. Mais je suppose que parfois, il y a des choses à propos desquelles même les anges les plus sages et les plus puissants ont besoin d'aide. Je ne put résister à l'envie de l'embarrasser encore un peu plus.
"Quoi? Tu ne vas quand même pas acheter un cadeau de fête des pères au père de Kira, nan?" lui grimaçais-je.
"C'était une question de Sakuya." répondit-il automatiquement.
"Sûûûûûr."
"Alors, qu'achèterais-tu à ton père?" Il s'interrompit, faisant fit de mes moqueries. J'arrêtais de sourire bêtement.
"Rien." répondis-je en essayant de me donner un air nonchalant, et je détournais la tête pour me soustraire à son regard. Il a cette façon de me regarder quand je mens...
Après un instant de silence, il me dit "Je sais que tu n'aurais rien acheté... sur Terre. Mais... Si tu avais quelqu'un à qui offrir un cadeau, qu'est-ce que ce serait?"
Oui, il sait ce que je ressens à propos du mot "père". Tout ce qui tourne autour est étrange pour moi. Normalement, je n'aurai même pas considéré la possibilité d'acheter un cadeau de fête des pères. Mais à présent... Je me demande comment il a pu deviner que je me posais le même genre de questions ces derniers jours.
"Des gâteaux." répondis-je.
"Des gâteaux?" Il me regarda d'un air décomposé qui ne lui était absolument pas caractéristique.
Je haussais les épaules. "Ben ouais, des gâteaux. J'veux dire... tout le monde aime en manger, et si tu prends juste la sorte de gâteaux qu'il faut, ceux que ton père aime, ça signifie que tu penses à lui. C'est ce qu'on veut dire à la Fête des Pères, non?" Il me regarda et puis opina doucement du chef, souriant tristement.
"Je savais que tu me surprendrais en me faisant une réponse comme ça." murmura-t-il avec un demi sourire. "Alors quelle sorte de gâteau devrais-je acheter? Signifient-ils quelque chose de particulier pour les gens?"
"Ben... Tous les gâteaux sont bons. Mais je dirais que pour un père un peu rude il faut quelque chose avec des morceaux, des pépites de chocolat. Pour un autre du type intello, je dirais des doodles avec du biscuit, parce qu'ils sont peu compliqués mais goûteux. Et disons... Pour quelqu'un de sentimental, quelqu'un qui s'inquiète profondément de ses proches et fait de son mieux pour les aider et les protéger... je dirais, avec des raisins secs, parce que c'est un genre de biscuit tendre et moelleux." Kira me regarda un peu bizarrement. Ouais. Je ne lui en veux pas, la plupart des gens n'analysent pas les autres d'après le genre de gâteaux qu'ils mangent. Mais comme d'habitude, les mots qui sortirent ensuite de sa bouche me prirent totalement par surprise.
"Qu'est-ce que tu entends par "quelqu'un de sentimental"? Je ne comprends pas vraiment."
J'attendais plus ou moins un truc genre: "Tu es le mec le plus bizarre que j'ai jamais rencontré Katô." Mais ça, ça m'a fait baisser ma garde. Alors j'ai prononcé le nom de la personne à laquelle je pensais depuis plusieurs jours: "Uriel".
Kira arqua un sourcil. "Vraiment." On aurait dit qu'il souriait. Juste un peu. "Merci." dit-il en se levant. "Dans ce cas, je ferais bien d'aller acheter des gâteaux." Tandis qu'il se tournait pour partir, il me demanda: "Tu veux que je t'en ramène?"
Surpris, je l'ai regardé. "Ben... J'aime pas spécialement les gâteaux moi."
"Très bien." dit-il. Et il s'envola.
"Encore que..." murmurais-je "Je pourrais te donner l'adresse de cette petite boutique où j'ai regardé parce que moi-même, j'ai pensé à acheter des gâteaux aujourd'hui." Je soupirais et souris tristement. "Mais je suis si stupidement indécis... Je ne sais pas quoi faire à propos de la Fête des Pères." Je n'avais jamais vraiment eut à m'en inquiéter auparavant. Mais cette année... "Des pères, hein?..." me murmurais-je à moi-même.

 

I

"Je lui ai donné le nom "Yue" parce que je voulais qu'il soit sensible, pour mourir facilement."

Etrange, pas vrai? Les mots, prononcés si facilement, si froidement, ont un tel impacte. Mon père a dit ces mots. Mais est-ce que je peux vraiment l'appeler "Mon père"? C'est l'homme qui était marié à ma mère... Celui qui gagnait de l'argent pour ma famille, pour que nous puissions vivre. Mais est-ce tout ce qu'est un père?
C'est ce qu'il semble dans cette société. Cette société. Où tout est basé sur les apparences et la conformité. Tout le monde aime tout le monde. Hum… J'en veux pas ! Je ne veux pas du tout de cette putain de conformité ! Je ne suis pas un de ces pathétiques lemming comme les autres ! …
C'est ce que je me plaisais à dire. Mais ce n'était pas vrai. Pas vraiment. Je voulais être tout simplement comme tout le monde. Ce n'était pas par choix que je n'avais pas une vie normale, une famille normale, des sentiments normaux, des problèmes normaux. Ce n'est pas de mon propre choix que je suis devenu un de ces adolescents rejetés qui fuient devant tout dans la vie. Je savais, savais que ce n'était pas comme ça que je voulais vivre ma vie. J'ai tant regretté cette vie quand je suis mort, quand j'ai compris qu'il ne resterait rien de moi. Que je n'aurais rien légué du tout. Et probablement pas même quelqu'un pour me pleurer. Pas vraiment. Kira…
Mais encore une fois, j'ai fuit devant tout ça. J'ai rejeté la faute de ma vie pathétique sur mon père. Cet homme, dont j'aurai tant voulu l'amour, l'acceptation, ou au moins qu'il réalise mon existence, mes liens avec lui. Biensûr, plus tard, j'ai découvert que même ces liens n'existaient pas. Mais… il a été le seul père que j'ai eut pendant ma vie. Il a eut définitivement, définitivement tord de me frapper autant, de prendre sa revanche sur l'amant de ma mère et de passer sa jalousie sur moi. Et pourtant… jusqu'à la fin s'il avait seulement tourné les yeux vers moi… m'avait adressé un mot gentil… Je crois que je l'aurais léché jusqu'à la dernière goûte. Oui, voilà jusqu'à quel point j'étais pathétique, désespéré. Je voulais de l'aide, je voulais de l'amour, et aurais ravalé mon orgueil pour les avoir. Mais aucun mot n'est jamais venu. Mon cœur s'est durcit. J'ai plongé plus profondément encore dans mon désespoir.
Je n'ai jamais trouvé cet amour, jusqu'à il y a peu de temps. Mais il n'est pas venu de lui, pas de mon père. La seule chose qu'il ne m'aie jamais donné, c'est un nom… et un cœur meurtrit.

 

II

C'est un phénomène qui apparaît chez les enfants adoptés ou orphelins… Après quelques temps, savoir est juste de trop. Quelque éloignés de vous que vos parents biologiques puissent l'être, vous pensez à eux, vous interrogez sur eux. Bien sur, je connaissais ma mère biologique. Elle a été bonne pour moi, toutes les petites fois où elle pouvait l'être. Mais c'était dur pour elle, avec la colère de son mari qui l'encerclait. C'était une femme faible. Mais je suppose qu'à présent ça n'a plus d'importance.
Je ne connais même pas son nom. Mais je le reconnaîtrais n'importe où, puisqu'il ma donné son visage. Ce visage qui m'a causé tant de souffrances, m'a plongé dans une telle misère. Ce visage qui faisait que mon supposé " père " serrait les poings à chaque fois qu'il me voyait. Ce visage qui m'a rendu malade. Ce visage que je verrai à chaque fois que je regarderais dans un miroir.
J'ai teint mes cheveux en blond, et les ai laissé pousser. J'ai porté des fringues excentriques pour avoir l'air différent. N'importe quoi pour moins ressembler à cet homme. Cette personne froide, cruelle, qui a ruiné ma vie avant même qu'elle ne commence et qui n'a même pas pris la peine de jeter un regard en arrière quand elle m'a abandonné pour toujours. Il n'est jamais venu me voir, ne m'a jamais écrit de lettres, ou envoyé de cadeau. N'a-t-il jamais cherché à se renseigner sur moi ? Ou s'il l'a fait, il n'a jamais prit la peine de venir me sauver du mari de ma mère. Il n'est même jamais revenu pour que je puisse au moins avoir la satisfaction de lui cracher au visage. Cet homme, dont le sang coule dans mes veines, dont j'ai le visage… Il est encore plus un étranger pour moi, que l'homme cruel que je rêvais d'appeler " père " lorsque j'étais enfant. Aucun d'entre eux, je ne peux l'appeler " père ".

 

III

Le destin est une chose étrange. Je n'ai jamais réellement cru en cette connerie de roue du destin, en la chance qui tourne, parce que toute ma vie a toujours été plus ou moins misérable. Quelles bonnes choses sont jamais arrivées dans ma vie ? Je suis né… Je suppose que c'est bien. …Et j'ai rencontré Kira. Mais pour la plus grande partie, la vie n'a été pour moi qu'une longue période de mauvaise fortune.
Et puis je suis mort.
Aussi étrange que cela puisse sembler, c'est à ce moment là que ma chance a commencé à tourner. Evidement, mes aventures après la mort ont été… rien moins que plaisantes parfois. Mais c'est pourtant à ce moment là que j'ai trouvé tout ce qui m'avait manqué dans la vie. Ironiquement, toutes les choses qui valent la peine de vivre. Pour la première fois, j'ai découvert une réelle amitié, et j'ai découvert que je pouvais changer, que de me préoccuper des autres, de moi-même, ou de mon environnement, je l'avais en moi. Ils ont réussit ça… Ce gosse, Mudô, et Kira aussi. Et… Uriel.
Au moment où je suis mort, j'avais plus ou moins abandonné l'idée que je puisse jamais avoir cette chaude et étrange relation que les autres enfants ont avec un adulte responsable (parent, professeur, ou qui que ce soit d'autre… J'aurai voulu entièrement refermer mon cœur à la vie). Ma mère a essayé de m'épauler, mais elle n'a jamais pu outrepasser l'autorité de son mari. Ma sœur, Sae… Elle s'occupait vraiment de moi, à sa façon, mais elle était trop simple pour comprendre, pour me guider. Et vous savez à quoi cela ressemblait avec mon/mes père(s). Alors inutile de dire, que je n'attendais pas cet homme en noir, ou ce qu'il ferait à mon cœur. Il a l'air tellement distant, tellement intouchable. Son pouvoir, sa connaissance qui recouvre des siècles, son incroyable peine… Il a l'air tellement inabordable. Mais quand il m'a parlé, quand ses yeux verts et solennels m'ont regardé avec chaleur, j'ai ressentit une émotion que je n'avais jamais connu auparavant. Il était avec moi quand je me suis réveillé, quand Mudô m'a ramené de ma prison de souvenirs. Il était là pour me rattraper, alors que je pensais mourir seul, oublié, dans le domaine d'Enra-ô. Il m'a donné un nouveau corps, a pris soin de moi, de MOI ! Pas seulement un esprit, pas seulement un être dans le besoin, mais MOI. Il m'a épaulé, m'a enseigné, m'a protégé, il est devenu le guide que je n'ai jamais eut auparavant. Pour la première fois, je n'avais pas besoin de surveiller mes arrières. Si je glissais, il m'attrapait par le bras et m'aidait à me redresser. Quand j'ai réalisé qu'il ne m'abandonnerait jamais, mon cœur s'est sentit tellement léger. Je me sentais… en sécurité. Aussi infantile que cela puisse sembler, ses actions signifient beaucoup pour moi. Mais je suis un type tellement buté… Je me demande si j'arriverais jamais à lui dire " merci ". Des gâteaux, hum. Je n'ai même pas le cran de faire ça.

 

Epilogue

" Et bien " dit Kira en tirant sur sa cigarette, " Il y a d'autres façons de le faire savoir à Uriel que de lui dire carrément. "
Je crois que j'ai sauté à 4 bon mètres en l'air et suis retombé durement sur le dos. On pourrait croire qu'avec ces saletés de plumes qu'il perd quand il vol dans le coin, je le remarquerais quand il débarque près de moi.
" Grah ! Espèce de con ! " Je me redressais péniblement sur mon séant, remontait sur mes jambes, et je frottais mon derrière. Apres que je me sois remis, ce qu'il venait de dire commença à s'insinuer en moi. Je le regardais bizarrement. Bon sang ! Ne me dites pas que je pense tout haut maintenant ! " Nom de Dieu, et qu'est-ce que je suis supposé dire carrément à Uri,
hein ?! "
Kira pris un air suffisant, et afficha un sourire significatif. Alors il sortit deux paquets de la poche de sa veste, soigneusement emballés, et m'en tendit un. " Je te l'ai déjà dit avant Katô. Tu n'as jamais su mentir. "
Avant que je puisse ouvrir la bouche pour protester, il sauta de la branche. " J'ai pensé qu'il était possible que tu en veuilles, alors je l'ai pris en même temps que celui là. " Il désigna le paquet qu'il avait toujours dans la main. " Il faut que j'aille déposer ça avant que le soleil ne se lève sur Tokyo, sur Assiah. Ce serait difficile de se glisser dans la maison sans être vu quand il est là. " Il me grimaça un sourire fugitif et disparut dans une nuée de plumes noires.
J'ai regardé les plumes glisser jusque sur le sol. C'est un peu effrayant de voir à quel point il me connaît. Je sentis le paquet qu'il m'avait laissé. Des raisin secs. Parfait.
Je fouillais dans mes poches jusqu'à ce que je trouve un stylo, et écris, aussi clairement que je pu, trois petits mots qui ne signifient rien et tellement à la fois : " Je t'aime. "

Auteur: Dark Cyradis
E-mail: darkangel_uriel@hotmail.com
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